
Dans un contexte où l’expérimentation animale est de plus en plus critiquée pour ses conséquences éthiques et sanitaires, une innovation belge montre qu’une autre voie est non seulement possible, mais déjà en marche. En Flandre, la Croix-Rouge a mis au point une alternative crédible et respectueuse des animaux au sérum de veau fœtal, utilisé dans la culture cellulaire.
Un sérum issu de la souffrance
Chaque année, entre 1,5 et 2 millions de vaches gestantes sont abattues en Amérique du Sud. Leurs fœtus sont extraits de l’utérus et subissent une ponction cardiaque pour prélever leur sang. Ce liquide est ensuite transformé en sérum de croissance (sérum de veau fœtal, ou SVF), utilisé dans les laboratoires du monde entier pour cultiver des cellules humaines. Ce processus génère une souffrance animale extrême, tout en posant de sérieuses questions éthiques et sanitaires. Et pourtant, ce sérum continue d'être utilisé.
Le pari réussi de la Croix-Rouge flamande
Depuis près de 20 ans, l'organisation développe une expertise de pointe sur les dons de sang, les plaquettes, le plasma, les premiers secours et l’engagement bénévole. Cette rigueur scientifique lui a permis de devenir un acteur de premier plan, avec trois centres de recherche et près de 20 publications scientifiques annuelles dans des revues publiques, accessibles aux ONG du monde entier.
C’est dans ce contexte que les chercheurs, dirigés par le professeur Hendrik Feys, ont mis au point une technique pour produire un sérum de culture à partir de plaquettes humaines périmées. Ces plaquettes, utilisées en médecine pour prévenir ou arrêter les saignements chez les patients atteints de cancers, de maladies du sang ou ayant subi une transplantation, ne peuvent être conservées que cinq jours. En Flandre, environ 3 à 5 % de ces concentrés doivent donc être jetés chaque année. Grâce à cette innovation, elles retrouvent une nouvelle vie en laboratoire.
Une solution à la fois éthique, circulaire et prometteuse
Le nouveau sérum, un lysat plaquettaire humain, remplit la même fonction que le SVF : il permet la croissance des cellules en laboratoire. Mais à la différence de son prédécesseur, il est 100 % humain, issu de dons volontaires et produit sans cruauté. Mieux encore, il permet de recycler des composants biologiques qui auraient autrement été détruits, réduisant le gaspillage médical.
Selon le professeur Feys, « les plaquettes périmées regorgent de nutriments utiles à la croissance des cellules. Ce produit reste dans l'industrie pharmaceutique, et non dans celle de la viande. » Il s’agit donc aussi d’une innovation circulaire.
La Flandre peut aujourd’hui produire environ 200 litres de ce sérum par an, une quantité suffisante pour répondre aux besoins en thérapies cellulaires et géniques dans la région. Pour des usages plus vastes comme le développement de vaccins, les volumes doivent encore être augmentés. Des discussions sont en cours avec des partenaires aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Islande, signe de l’intérêt international croissant.
Vers une biotechnologie européenne souveraine
Cette avancée permet également à l’Europe de se rapprocher d’une indépendance stratégique face aux acteurs américains qui dominent actuellement la production de sérum à base de plaquettes. En adaptant la méthode aux spécificités du traitement du sang en Europe, la Croix-Rouge flamande offre une solution compatible avec les exigences réglementaires du continent.
Et ce n’est qu’un début : plusieurs entreprises de biotechnologie ont déjà manifesté leur intérêt pour cette innovation respectueuse des animaux.
Une victoire pour les animaux, la science et la société
« Avec cette innovation, la Croix-Rouge de Flandre donne le bon exemple », déclare le ministre flamand du Bien-être animal, Ben Weyts. « Il est de notre devoir d’éviter toute souffrance animale là où c’est possible. En Flandre, nous sommes heureusement pionniers non seulement en bien-être animal mais aussi en biotechnologie. »
GAIA salue cette avancée. Cela montre qu’il est possible d’allier innovation médicale, efficacité scientifique et éthique animale, sans compromis.
Références :