Au début du XXe siècle, la communauté scientifique était en plein bouleversement. Portée par l'émergence des techniques de culture cellulaire, la communauté scientifique a commencé à se tourner vers l’utilisation de modèles de recherche novateurs. En permettant de faire vivre des cellules en dehors des organismes vivants, la culture cellulaire a rendu possible les tests in vitro, c’est-à-dire des tests réalisés à l'extérieur d'un organisme vivant, comme par exemple dans un tube à essai ou une boîte de culture. Cette avancée significative a considérablement contribué à la découverte et au développement de nouveaux médicaments.
Cependant, les systèmes de culture cellulaire traditionnels, dans lesquels les cellules se développent sous forme de monocouches dans des conditions statiques, restent limités par un problème fondamental: ils ne sont pas conçus pour recréer la complexité et l’environnement physiologique d’un organisme vivant. Par conséquent, ces systèmes ont une capacité limitée à prédire comment une molécule affectera les cellules dans un organisme vivant (in vivo). Le modèle animal est donc resté, par défaut, le ‘gold standard’ dans la recherche scientifique.
Néanmoins, les modèles animaux sont génétiquement et physiologiquement distincts de l’homme, ce qui peut avoir un impact majeur sur la sécurité et l’efficacité perçues des molécules. Il n'est donc pas surprenant que 9 molécules sur 10 ayant des résultats prometteurs chez les modèles animaux se révèlent inadaptées lorsqu'elles sont testées dans le cadre d'essais cliniques sur l'homme.
Les progrès de la recherche scientifique ont conduit au développement de systèmes microphysiologiques (MPS). Ces MPS ont été spécifiquement conçus pour pouvoir cultiver des cellules dans un environnement complexe et imitant leur environnement naturel. Ainsi, les MPS incitent les cellules à se comporter comme elles le feraient in vivo. Parmi les MPS les plus répandus, on trouve:
- Les organoïdes: des mini-organes en 3D, obtenues à partir de cellules issues d’organes humains, qui miment l’architecture et le fonctionnement d’un organe humain.
- Les tumoroïdes (ou organoïdes tumoraux): des mini-tumeurs en 3D obtenues à partir de cellules tumorales provenant de patients qui miment la tumeur humaine.
- Les organes-sur-puces: une puce en plastique composée de cellules et de tissus humains vivants afin de reproduire le plus fidèlement possible le corps humain. À travers des micro-canaux, une quantité infime de liquide circule pour nourrir les cellules en croissance, entre autres choses. Cela simule la circulation sanguine.
De plus en plus d’études montrent que les MPS permettent de mieux prédire l’effet des médicaments en développement sur le corps humain que les modèles animaux et systèmes de culture cellulaire traditionnels (voir par exemple Ewart et al. 2022 et Ingber 2022). Par conséquent, ces outils biologiques sont de plus en plus considérés comme des modèles indispensables à la recherche biomédicale. Le développement de MPS de plus en plus complexes offre non seulement la perspective d'améliorer considérablement la découverte et le développement de nouveaux médicaments, mais aussi d'accélérer la transition vers une science sans animaux.