05.12.24
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Les débats éthiques sur l’expérimentation animale se concentrent souvent exclusivement sur ce qui se passe au sein des laboratoires. Pourtant, des décisions importantes concernant la vie de ces animaux sont également prises en dehors du laboratoire, notamment concernant la manière dont ces animaux naissent, vivent et meurent. Un article récent met en lumière les souffrances auxquelles sont confrontés les animaux d’expérimentation en dehors des laboratoires, dans trois contextes majeurs : l’élevage, le transport et la fin de l’étude. Ces aspects, trop souvent négligés, constituent d'importantes sources de souffrance et méritent une attention particulière de la part des chercheurs et des comités d'éthique.

Élevage des animaux d’expérimentation

L’élevage d’animaux d’expérimentation produit un grand nombre d’animaux qui ne sont jamais utilisés directement dans la recherche. Par exemple, ces animaux peuvent être destinés uniquement à la reproduction ou jugés inadaptés pour les expérimentations en raison de caractéristiques indésirables. En 2022, 9,5 millions d’animaux ont été élevés et tués sans avoir été impliqués dans aucune procédure expérimentale.

L’impact des processus d’élevage sur le bien-être des animaux dépend de l’espèce et des pratiques propres à chaque installation. En général, les conditions de vie et les méthodes utilisées dans ces établissements sont largement influencées par des préoccupations anthropocentriques telles que la réduction des coûts ou les objectifs de recherche. Par exemple, pour maximiser la productivité, les établissements d'élevage regroupent souvent les animaux dans des configurations de taille et de composition qui s’éloignent considérablement de leurs habitats et comportements naturels.

De plus, ces animaux subissent fréquemment des manipulations, ce qui peut significativement accroître leur stress. Lorsque la reproduction naturelle est difficile ou impossible, les animaux sont souvent soumis à des procédures invasives, telles que des greffes d'ovaires ou des fécondations in vitro, pour assurer leur reproduction.

L'élevage d'animaux génétiquement modifiés présente des défis supplémentaires, car il peut conduire à des animaux présentant des traits ou des phénotypes néfastes, qui peuvent causer des conditions pathologiques graves. Par exemple, les souris et les rats génétiquement modifiés peuvent développer des comportements sociaux atypiques, des troubles de la locomotion, des syndromes létaux, des affections cutanées, ainsi que des maladies neurologiques, cardiovasculaires, respiratoires et digestives. En 2022, 24,8 % des expérimentations ont été effectuées sur des animaux génétiquement modifiés. Parmi ces animaux, 17,5 % étaient porteurs d'un phénotype néfaste.

Transport des animaux d’expérimentation

Les animaux d’expérimentation peuvent être transportés sur des distances variables, que ce soit entre les installations d’élevage et de recherche lorsqu’elles sont situées à des endroits distincts, ou entre différents laboratoires. Cependant, les données sur le transport des animaux utilisés à des fins scientifiques vers et au sein de l'UE sont rares. Le transport des animaux d’expérimentation s’effectue principalement par voie terrestre et aérienne. Toutefois, le fret aérien devient de plus en plus limité, car de nombreuses grandes compagnies aériennes refusent désormais de transporter des animaux – en particulier les primates non humains – destinés à la recherche scientifique.

Le transport est une source majeure de stress pour les animaux. Ils doivent faire face à des changements de conditions environnementales, à d'éventuelles blessures, ainsi qu'aux risques classiques liés au transport, tels que les retards et les accidents. Par exemple, la plupart des primates non humains utilisés à des fins scientifiques au sein de l’UE sont nés en dehors de l'UE, principalement en Afrique et en Asie. Ces animaux subissent de longs trajets dans de petites caisses qui leur laissent peu de place pour se retourner. Il n'est pas rare que la durée du voyage atteigne 58 heures, voire plus de 70 heures dans certains cas. Les animaux transportés par voie aérienne peuvent être confrontés à différents problèmes, notamment des périodes d'attente prolongées avec un accès limité à l'eau et à la nourriture, l'exposition à des températures élevées, des chargements et déchargements stressants et le risque d'une manipulation incorrecte par un personnel non formé.

Les procédures mises en œuvre en amont du transfert tendent souvent à amplifier le stress subi par les animaux. Par exemple, les poissons zèbres adultes sont généralement privés de nourriture pendant 24 heures avant leur transfert, retirés de leur bassin d'origine et transportés dans des sacs en plastique à forte densité de peuplement. Ce type de procédure, combiné à des trajets parfois longs, peut avoir des conséquences néfastes sur le bien-être animal.

Le transport d'animaux d’expérimentation pose également des enjeux écologiques, notamment en ce qui concerne les primates non humains. La demande croissante de primates non humains pour la recherche met en péril certaines populations sauvages en alimentant la capture illégale.

Fin de l’étude

Après leur utilisation à des fins scientifiques, la majorité des animaux de laboratoire sont euthanasiés. Cette mise à mort s’inscrit dans la conception des expérimentations, que ce soit en raison de la douleur causée par les procédures, de la fin de leur utilité pour les recherches en cours, parce qu’ils sont porteurs de caractéristiques indésirables ou qu’ils sont jugés « inutiles » pour la reproduction. La Directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques exige que les animaux soient mis à mort en limitant au minimum la douleur, la souffrance et l’angoisse qu’ils éprouvent.

Selon cette Directive, les animaux de laboratoire peuvent être tués de nombreuses façons, telles que la dislocation cervicale, la décapitation, la percussion de la boîte crânienne, l’étourdissement électrique et l’inhalation de CO2. Cependant, plusieurs de ces méthodes utilisées pour tuer les animaux suscitent des controverses, et de nombreuses preuves montrent que ces pratiques, même lorsqu'elles respectent les normes, peuvent provoquer de la douleur et de la détresse. Par exemple, bien que la décapitation puisse entraîner une perte rapide de conscience, elle peut être accompagnée d'une perception consciente de la douleur qui persiste pendant plusieurs secondes. De plus, cette méthode dépend largement des compétences de l’opérateur, ce qui fait que son efficacité peut varier considérablement selon la personne qui l'exécute.

Comme alternative, certains organismes de recherche offrent des programmes d'adoption pour certains animaux, y compris les chiens, les chats et les petits mammifères, dans la mesure du possible. Pour les animaux « non adoptables », tels que les primates non humains, certains centres de recherche collaborent avec des sanctuaires qui offrent des soins exemplaires et un maximum d’autonomie dans un environnement respectueux. Toutefois, ces initiatives restent rares et limitées en termes de nombre et de diversité des animaux utilisés dans la recherche. L'adoption ou la retraite d’animaux de laboratoire reste exceptionnelle, et la mise à mort continue de représenter la norme.

Conclusion

Cet article met en lumière les préjudices souvent invisibles subis par les animaux d’expérimentation en dehors des laboratoires, attirant ainsi l’attention sur une possible sous-estimation de l’impact global de la recherche animale sur leur bien-être. Le traitement des animaux utilisés en recherche en dehors du laboratoire soulève des questions éthiques majeures et nécessite une évaluation approfondie et un contrôle institutionnel rigoureux.

Actuellement, les comités éthiques se concentrent principalement sur le bien-être des animaux dans le cadre des protocoles expérimentaux, négligeant souvent les pratiques et les impacts en dehors de ces contextes. Les auteurs soutiennent qu’un cadre réglementaire plus strict est indispensable pour assurer le bien-être des animaux tout au long de leur vie, et pas uniquement pendant la période où ils sont impliqués dans des expérimentations.