
Une étude récente, publiée dans la revue ATLA (Alternatives to Laboratory Animals), lève le voile sur une pratique répandue dans les laboratoires, qui porte gravement atteinte au bien-être animal : le gavage forcé d’animaux lors des tests réglementaires de toxicité. Cette méthode, bien connue pour sa cruauté dans la production de foie gras, est également massivement utilisée dans l’expérimentation animale. Elle est pourtant loin d’être anodine.
Qu’est-ce que le gavage expérimental ?
Le gavage, tel qu’il est pratiqué lors des tests sur les animaux, consiste à insérer un tube – souvent métallique – dans la gorge de l’animal pour y administrer directement une substance chimique ou un médicament dans son estomac. Il s’agit de garantir un dosage précis, notamment dans les études de toxicité encadrées par la réglementation REACH de l’Union européenne.
Mais cette précision technique a un coût éthique et biologique majeur : les animaux subissent un stress intense, des blessures graves, voire la mort.
Des chiffres alarmants
L’analyse porte sur 300 rapports d’essais de toxicité menés sur des rats. Elle révèle que :
🔺21 % des études font état de blessures ou de décès directement causés par le gavage.
🔺16 % des rapports décrivent des symptômes respiratoires douloureux (reflux lié au gavage) : difficultés à respirer, hypersalivation, écoulements nasaux, signes de détresse tels que manger sa litière – autant d’indices de souffrance souvent ignorés ou mal attribués.
🔺Le risque de décès pour un animal individuel est de 1 sur 250 ; pour une étude entière, il est de 1 sur 7 – un taux qualifié de « très fréquent » selon les critères de pharmacovigilance.
Ces données mettent à mal la classification actuelle du gavage dans la Directive européenne 2010/63, qui le considère comme une procédure n’occasionnant qu’un "niveau léger de souffrance".
Une souffrance cachée, une science biaisée
Ce sous-classement empêche une transparence essentielle sur le degré de souffrance infligé aux animaux et contrevient aux exigences légales de déclaration. Il compromet également le respect des 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner) dans l’expérimentation animale.
Au-delà des considérations éthiques, la souffrance infligée perturbe les résultats expérimentaux : le stress altère les réponses biologiques, ce qui fausse les données. En d’autres termes, ces méthodes inhumaines produisent des résultats peu fiables, au détriment de la science elle-même.
Vers une réforme urgente
Le gavage a été interdit dans la production alimentaire de foie gras dans plusieurs pays – Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Inde, Australie – au nom du bien-être animal. Il est aberrant qu’il soit encore toléré dans les laboratoires sous couvert de science.
Laura Rego Alvarez, directrice adjointe chargée des affaires scientifiques et réglementaires, et coautrice de l’étude, alerte :
"Le gavage est loin d’être une procédure sûre et bénigne. Il cause d’immenses souffrances et peut entraîner la mort. Il est temps de cesser de minimiser son impact et de le reclasser comme procédure entraînant une souffrance sévère."
L’étude appelle donc à :
🔺Une reclassification immédiate du gavage dans la législation européenne.
🔺Une meilleure transparence sur les pratiques réelles en laboratoire.
🔺Un investissement renforcé dans le développement d’alternatives non invasives et éthiques.
Référence:
Cruelty Free International. New study reveals scale and severity of ‘force-feeding’ chemicals to animals during tests. Article publié le 7 mai 2025. Disponible à : https://crueltyfreeinternational.org/latest-news-and-updates/new-study-reveals-scale-and-severity-force-feeding-chemicals-animals-during.