
Une étude publiée en 2023 et cosignée par le Centre de recherche pour les Alternatives aux Tests sur les Animaux (CAAT), a révélé que 4,2 millions d'animaux ont été utilisés pour se conformer au règlement REACH (Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) dans seulement trois catégories d'essais: toxicité par dose répétée, toxicité pour le développement et toxicité pour la reproduction.
Le 1er juin 2007, le règlement REACH (CE 1907/2006) est entré en vigueur dans l'UE pour mieux protéger la santé humaine et l'environnement contre les risques que peuvent présenter les produits chimiques. Il impose à l'industrie chimique de tester la sécurité de toutes les substances chimiques utilisées dans leurs produits. Bien que l'expérimentation animale ne soit autorisée qu'en dernier recours pour l'évaluation de la sécurité des produits chimiques, c'est-à-dire lorsqu'il n'existe aucune méthode non-animale permettant d’obtenir les informations nécessaires en matière de sécurité, un grand nombre d'animaux est encore utilisé à cette fin. Toutefois, ce nombre était très flou jusqu'à présent. En analysant les données des dossiers REACH depuis 2009, l'étude a montré qu'environ 4,2 millions d'animaux ont été utilisés pour les trois tests de toxicité susmentionnés.
L'étude a clairement démontré que le nombre d'animaux qui souffrent et meurent pour des tests de toxicité dans le cadre de REACH a été largement sous-estimé. En effet, les chiffres pour les trois tests de toxicité analysés dans l’étude dépassent déjà de loin l'estimation initiale de la Commission européenne de 2,6 millions d'animaux pour l’ensemble des tests de toxicité suite de la mise en œuvre du règlement REACH. Les auteurs de l'étude continuent de compter le nombre d’animaux utilisé pour d’autres tests de toxicité afin d'obtenir des données précises sur l’utilisation totale des animaux dans le cadre de REACH. Une première estimation suggère que le nombre d'animaux utilisés pour ces autres tests se situerait entre 0,6 et 3,2 millions.
Bien que l'analyse de l'utilisation de méthodes non-animales dépasse le cadre de l'étude, les auteurs ont signalé que ces méthodes ont été relativement peu utilisées. Selon le rapport de l'agence européenne des produits chimiques(ECHA), les méthodes “read-across” (dans lesquelles la toxicité est prédite par comparaison avec des produits chimiques structurellement similaires dont les effets sont connus) ont été rejetées dans 75 % des cas, souvent en raison d'une justification insatisfaisante. Cela a automatiquement conduit à une demande de tests sur animaux pour évaluer la toxicité.
Les effets des produits chimiques sur la santé humaine et l'environnement sont encore très mal compris. Pour 70 % des substances, les dangers et les niveaux d’exposition sont encore mal ou pas du tout caractérisés. C'est pourquoi les auteurs de l'étude appellent à remplacer les animaux par des méthodes non-animales dès que possible.
"Certaines de ces nouvelles méthodes sont non seulement adaptées aux criblages chimiques à grande échelle, mais fournissent également des résultats plus pertinents que les tests sur animaux, car les produits chimiques sont directement testés sur des cellules humaines dans une boîte de Petri", explique Thomas Hartung, directeur du CAAT et professeur à l'Université de Konstanz.
"Des méthodes non-animales sont déjà disponibles pour un certain nombre de tests, et ce nombre ne cesse de croître. L'objectif devrait maintenant être d'adapter la législation à l'état actuel des connaissances scientifiques", exige Marcel Leist, co-directeur du CAAT et professeur à l'Université de Konstanz.
Bien que la révision du règlement REACH a été reporté jusqu’à nouvel ordre, cette dernière est susceptible d'accroître le nombre d’animaux pour des tests de toxicité. Entre 3,5 à 6,9 millions de tests supplémentaires sur les animaux sont attendus après la révision du règlement REACH.
Conformément à l'engagement de la Commission de supprimer progressivement l'utilisation d'animaux pour l'évaluation des produits chimiques, il est temps que les régulateurs et les parties prenantes abandonnent les anciennes méthodes peu fiables et peu efficaces, et d'investir dans le développement et la mise en oeuvre de nouvelles approches non-animales afin de mieux protéger la santé humaine et l'environnement.